Un couple âgé
vient prendre son petit-déjeuner à la table centrale voisine dans le bow-window
où nous sommes installés. Nous étions ensemble hier soir dans l’ascenseur.
L’homme et la femme semblent proches de la centaine ; il est toutefois
impossible de leur donner un âge exact. Comme les matinées précédentes, pour un
temps d’écriture et de lecture, nous
restons à la table de l’alcôve aux pans coupés avec vue sur l’océan. Alors que
nous sommes absorbés dans notre ouvrage, une jeune dame allemande, assise avec
un monsieur à l’opposé du bow-window, nous aborde. Son regard attentif a suivi
nos activités. Elle nous questionne avec intérêt dans un agréable entracte imprévu. Ensuite, elle
demande à connaître l’adresse de notre blog. Sa connaissance partielle du
français lui permet de feuilleter mon roman apporté de la cabine par Patrick.
Elle nous salue avant de s’en aller en espérant nous revoir à bord. La
narration de la journée d’hier s’achève. L’ordinateur est éteint à onze heures.
Un léger manteau nuageux, hésitant sur la conduite à tenir, s’émaille d’oasis
de ciel bleu. Nous marchons sur le pont promenade. Le vent nous accompagne
assidument, tantôt en nous poussant, tantôt en freinant notre avancée. Il nous
chahute dans les parties latérales vitrées aux extrémités du navire et dans le passage
couvert à la proue où les deux portes d’accès vers la plage avant sont fermées
pour cause de grand vent. Je prends en marchant quelques photos depuis le pont.
Nous croisons une dame qui se couvre les oreilles devant la puissance sonore du
vent. Après la marche tonique, nous nous installons au Carinthia Lounge pour
déjeuner à midi, plutôt à treize heures en raison du bond journalier d’une
heure dans le temps pour harmoniser l’horaire avec les fuseaux successifs. Tout
en lisant, je sirote avant le repas un café Mocha réalisé par mes soins. Magdalena
Reising arrive et, aidé d’un jeune membre du navire, dispose sa harpe pour un
temps musical. Vêtue d’une robe couleur de ciel bleu, sa chevelure blonde est
retenue en chignon par un bandeau de la même nuance. Un jeune garçon vient s’agenouiller
sur l’assise d’un fauteuil. Accoudé contre le dossier, il écoute une mélodie
avant de s’éclipser. Un couple présent à une table voisine, déjà repéré
précédemment, consulte assidument sur Internet des comptes rendus du groupe
religieux sectaire « Humana ». Le danger des religions perdure même
sur l’océan. Je savoure une bolée de chou vert frisé en sauce, de lentilles
Dahl et de purée de petit-pois. La saveur d’une tartelette carrée au chocolat
se dévoile. Celle d’un pudding à l’orange, agrémenté de crème anglaise, est
découverte par Patrick. En début d’après-midi nous assistons au théâtre au second
concert donné par le pianiste Daniel Hill. Il joue de mémoire sans partition et
ses doigts ont tendance à se promener mécaniquement sur le clavier. Un dernier
morceau fougueux de Chopin voit les touches prises d’assaut par l’artiste.
Après sa prestation nous allons nous installer au Carinthia Lounge dans un
canapé en tissu crème positionné au bord d’un large sabord. La lecture agrémente
une bonne partie de la suite de l’après-midi. Des boissons chaudes sont
sirotées. Dans le cadre d’une correction de mon roman par un tiers, j’écris
manuellement le brouillon d’une lettre à envoyer à Roger, un ancien professeur
de français du collège de Ville-la-Grand. Je remarque en lisant des oublis de
mots et des accords orthographiques inexacts. Dehors, une brume épaisse à
envelopper le navire. La vision proche se perd rapidement dans une bruine
trempée par la pluie qui tombe placidement. La sensation d’être arrêté et perdu
en plein océan est saisissante. Malgré le pont trempé et la présence du vent,
des passagers sortent pour braver les éléments. Je tente de prendre quelques
clichés. Patrick s’absente à la bibliothèque. Il revient avec le livre
« Le bleu des abeilles » de Laura Alcoba. Un temps de bavardage en
cabine, lié à la chute du piédestal de mon ego romancier, précède le dîner au
buffet. Poêlée d’asperges et légumes verts, riz aux légumes, carotte cuite, rondelle
de chèvre et triangles d’emmenthal suisse composent la partition du menu. Nous
assistons à vingt heures au théâtre Illuminations à la projection du film
d’animation « Zootopia » des studios Disney dont la diffusion à
l’Aqua Theater le vendredi 5 août sur le navire Allure of the Seas fut
remplacée par la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques à Rio. Les cinq
premiers rangs sont réservés aux enfants. Nous nous décalons sur l’arrière. Les
parents ont confié leur progéniture à des membres de l’équipage qui encadrent
une partie de la jeunesse du navire ; une des jeunes femmes
accompagnatrices semble francophone. Les dialogues entre les personnages
animaliers sont en anglais. Le graphisme des décors de la ville de Zootopia,
édifiée sur plusieurs collines, est magnifique. La cité dispose de plusieurs
quartiers qui rappellent les quatre saisons. Des tunnels permettent de passer
d’un quartier à l’autre, d’une saison à l’autre. Le secteur baigné dans une
végétation luxuriante me rappelle quelques scènes du film Avatar de James
Cameron. Un quartier est habité par une population de souris et autres tous
petits animaux. Les buildings et les maisons ont été réalisés en conséquence,
tel un village de lilliputiens. L’intrigue tourne autour de la disparition de
divers citoyens de la ville. Les deux personnages principaux, un lapin et un renard,
sont attachants. Les concepteurs sont parvenus à leur donner des attitudes et
des expressions quasi humaines. Après ces instants de magie animée, nous nous
rendons au Carinthia Lounge où la harpiste Magdalena termine un concert chanté
d’une demi-heure. Patrick boit quelques gorgées d’infusion à la menthe. Jack
Morris et Msimisi Dlamini, deux des comédiens masculins de la troupe Rada, sont
présents. Jack, en costume noir, est assis non loin devant nous. Son regard
semble perdu dans le lointain de ses pensées. Nous quittons ce lieu de détente
animé pour entrer dans le royaume des rêves…
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