Le journal de
bord annonce un lever de soleil à cinq heures vingt-deux. Notre présence en
cabine intérieure nous ôte la possibilité de voir s’intensifier la luminosité
du jour. Au buffet, le couple âgé qui a pris hier son petit-déjeuner à la table
voisine dans le bow-window s’installe à nouveau à la table ronde centrale. Les
jours passent et des habitudes se prennent naturellement dans un ordinaire
devenu quotidien sur le navire. La traversée de l’océan Atlantique est sans
escale. Sa durée de sept jours participe à la routine malgré un nombre
d’activités conséquent qui pour la plupart reviennent en boucle. Seul le
farniente est l’apanage des passagers qui choisissent l’oisiveté. Patrick
remarque une adresse dans l’état du Missouri sur la cane de la dame posée partiellement
contre la table. Les mots s’écrivent sur l’écran de l’ordinateur et les phrases
se forment au gré des souvenirs de la journée d’hier qui remontent selon leur
bon vouloir à la surface de la pensée. Patrick termine le livre de Laura Alcoba
et s’en retourne à la bibliothèque pour choisir un autre ouvrage. Il revient
avec le roman d’Amélie Nothomb « Tuer le père ». Lors de la
narration, les tables voisines voient défiler régulièrement de nouveaux
passagers ; les têtes sont toutes différentes et l’apparence des visages
effleurés par les années témoigne du temps plus ou moins long déjà passé sur
Terre. Les onze heures approchent et l’ordinateur est éteint. Une marche sur le
pont promenade s’offre à nous. Quelques photos sont prises. Le ciel alterne le
bleu et le gris clair lors de nos rotations. Le vent est le continuel passager
clandestin du navire. Il s’amuse à s’engouffrer partout où il le peut. Parfois
il freine fortement l’ouverture des portes extérieures et, quand le battant est
finalement poussé, il se précipite à l’intérieur d’un souffle puissant. Après
la balade stimulante, nous nous rendons au Carinthia Lounge. Je sirote un café visité
d’un nuage de lait. Quelques pages d’Apavudia sont lues avant le repas.
L’émotion est présente avec le passage douloureux lié à l’autre Tyler. A midi
il est treize heures ; chaque jour nous entrons à heure fixe dans autre
fuseau horaire. Les quinze pâtissiers du navire ont œuvré une partie de la nuit
pour offrir aux passagers un déjeuner de douceurs chocolatées. J’admire les
œuvres éphémères en chocolat blanc et noir. Des cygnes en chocolat blanc, des
papillons aux ailes dessinées de motifs orange, des feuillages et autres
créations trônent sur les encadrements en verre au-dessus des étalages de
pâtisseries. Une fontaine de chocolat attire immanquablement les
passagers ; un membre des cuisines glisse diverses friandises sous les
cascades pour les napper de l’onctueux mélange enduit de crème. Un emplacement
dévoile une multitude de boules chocolatées aux ingrédients variés. Une
composition florale en sucres glaces de plusieurs couleurs ceinture une plaque
de plexiglass où se dévoilent les mots « Queen Mary 2 – Cunard
2016 ». A la base de la demi-couronne des petits cornets de crème
fouettée, introduits dans la myriade de trous d’un petit escalier en forme de
podium, attendent les mains qui vont les emporter. Les étals regorgent de
gâteaux, de parts individuelles et de tartelettes. Un singe, étonné de cette
abondance sucrée, grimpe sur un cocotier dont le tronc est une succession
d’ananas. Des bananes servent de bras et de jambes au petit animal. Je prends
des photos pour garder le souvenir de cette pléiade gourmande. Une salade
grecque et un friand aux oignons composent la trame principale de mon repas. Je
sirote ensuite un thé rouge tout en dégustant un frugal dessert chocolaté. Les
musiciens de l’orchestre du navire jouent des musiques de jazz. Après le repas
nous nous rendons au « Royal Court Theatre » pour découvrir une pièce
de théâtre jouée par les comédiens de Rada. Leur choix s’est porté sur l’œuvre
littéraire « Pride & Prejudice » de l’écrivain britannique Jane
Austen, parue en 1813. Le jeu des interprètes est enjoué et rayonnant. Ma
compréhension limitée des paroles est compensée par la gestuelle efficace et
très expressive des comédiens. A l’issue du spectacle nous nous rendons en
cabine. Patrick s’offre une sieste pendant que je me rase en salle de bains.
Nous nous rendons ensuite pour un temps de lecture au Carinthia Lounge. Un
autre canapé trois places, similaire à ceux déjà occupés, nous accueille. Je
prends quelques photos de la chambre au salon. Des boissons chaudes sont
sirotées. La lecture du livre d’Amélie se termine et Patrick se rend à la
bibliothèque pour choisir un autre ouvrage. Il revient avec « Les feux de
Saint-Elme » de Daniel Cordier. Les minutes défilent agréablement. La
lecture de mon roman me captive ; je note de temps à autre les pages où
des corrections seront à effectuer. Après dix-huit heures trente nous dînons au
buffet. Une petite partie du buffet se compose de mets végétariens. Après le
repas, en tenue de gala, nous assistons au théâtre au nouveau spectacle du
navire « Rhythm of the Night ». La troupe des chanteurs et des
danseurs évoluent sur scène dans un rythme trépidant ; la coordination de
ce nouveau show se fera progressivement. Sans parler de fil conducteur, le
thème porte sur la samba et autres danses d’Amérique du Sud. Malgré les
costumes de scènes colorés, je peine à suivre le rythme décousu des différentes
danses. A l’issue du spectacle, un temps de détente musical s’offre à nous au
Carinthia Lounge avant de rejoindre Morphée pour la nuit…
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