Lors du
petit-déjeuner une information revient en boucle à la télévision à propos des
« Cleveland’s Cavs ». La finale 2016 du championnat de la N.B.A.,
l’Association Nationale de Basketball, a été remportée hier par l’équipe de
Cleveland, les « Cleveland’s Cavaliers ». Pour fêter ce titre
historique, plus d'un million de personnes, présentes dans les rues dans cette
ville de l’état de l’Ohio, acclamèrent durant plusieurs heures James LeBron,
surnommé « le Roi James » ou « l’Elu », et ses coéquipiers,
dont l’équipe remporte le championnat pour la première fois de son histoire. Le
président Barack Obama, après avoir félicité l’entraîneur Tyronn Lue, a invité
l’équipe gagnante à la Maison Blanche… Vers dix-heures trente nous quittons le
motel « Sleep Inn » d’Ontario. Nous nous rendons chez un coiffeur
repéré sur Internet. Le long du trajet, Patrick prend en photo au bord de la
chaussée le panneau publicitaire d’un dentiste pour enfant, fixé à une remorque
sur un petit avion monoplace rouge ; une manière ludique de séduire les gamins.
Le salon de coiffure « Smart Style » est installé sur Idaho avenue
dans l’enceinte du géant Walmart. Gaby est la styliste qui réalise ma coupe de
cheveux avec une tondeuse équipée d’un peigne de treize millimètres. Nous
bavardons. La coupe revient à seize dollars. Je prends en photo le miroir,
devant lequel j’étais installé, où figure le prénom « Gaby » ;
son reflet est présent sur le cliché. Nous nous rendons ensuite au supermarché
Albertsons sur la quatrième avenue. Laura encaisse le montant de nos achats. Un
plein de carburant est effectué à la station Shell située devant le magasin. Un
jeune homme nettoie le pare-brise de la Chevrolet et reçoit un pourboire. Midi
approche et nous allons pique-niquer au parc « Beck Kiwanis Park »
sur la huitième avenue. Les arbres sont nos continuels compagnons pour les
pique-niques ; ils nous offrent généreusement de l’ombre grâce à leur
ample feuillage. Le compagnon du jour dessine avec ses branchages sur la table
en bois de couleur prune des ombres chinoises qui s’animent avec le souffle du
vent. Après le repas nous nous promenons dans le parc. A divers endroits, des
arroseurs intégrés dans les pelouses diffusent l’eau de vie sur l’herbe tondue.
Un étang traversé par un pont arqué ocre rouge est couvert sur une grande
partie de sa surface par des algues jaunes qui asphyxient l’eau douce. Des familles
de canards se fraient un chemin dans la vase en se suivant en file
indienne ; un spectacle charmant. Le parc municipal est sans prétention et
les moyens financiers doivent manquer pour son entretien. Dans les hautes
herbes nées dans l’étang, un oiseau noir, à la tête et à la gorge jaune, se
prélasse dans les pousses. Il semble babiller avec un congénère noir et rouge.
Sur le parking une navette blanche retient l’attention. Il est écrit sur le
côté du véhicule « Malheur Express » ; une appellation bien
insolite pour un comté. Il est vrai que les américains ignorent le sens du mot
malheur. Avant de reprendre la route nous nous rendons sur Oregon street pour
boire un café Mocha au café « Jolts & Juice Coffee Co. ». Situé
dans downtown, le centre-ville, à côté de la gare, sa façade d’angle a beaucoup
de charme. Je suis conquis par la décoration intérieure, hétéroclite et
disparate, qui trouve pourtant son unité dans l’Histoire. Au travers des objets
et des artefacts présents nous voyageons dans le temps du passé. Nous sirotons
les boissons sur des chaises pivotantes en bois clair dans un petit réduit
baptisé « Time Out Room », un espace hors du temps. Le breuvage, à la
saveur différente de celle des Starbucks, est délectable. Je renoue
régulièrement avec le présent pour prendre des photos. John Wayne tient la pose
vers la vitrine. Des vélos circulent dans l’air. Un feu de signalisation est au
vert ; il passe au rouge quand les toilettes sont occupées. Un mannequin
menuisier travaille dans la charpente en-dessus du comptoir où sont préparées
les boissons. Une employée s’approche de moi devant mon intérêt remarqué pour
la décoration. Elle nous invite à visiter le premier étage où une autre salle
décorée est à la disposition des clients. Nous grimpons un escalier en bois aux
marches rivetées de métal. Des canapés variés, deux bibliothèques, un portrait
de Marylin Monroe, une machine à écrire « LC Smith & Bros » des
années vingt et d’autres objets se dévoilent. Un homme apparaît, c’est le
« owner », le patron. Il nous fait signe depuis un atelier vitré. Il s’affaire
à torréfier du café. Nous bavardons et je suis ravi de ses explications. Le
patron nous raconte qu’il torréfie lui-même le café servi à la clientèle. Il
est aussi brasseur de bière et il dispose d’une brasserie à l’arrière du
bâtiment, « Tandem Brewing », qui communique avec le café créé en 2001.
Carl Crume gère les deux établissements avec son ami Todd Heinz ; tous
deux passionnés de vélo, leur amitié date de leur pratique du tandem qui
remonte à une vingtaine d’années. Carl s’intéresse à notre road-trip. Je lui
parle du « Thor's Well », du « Puits de Thor » à Cape Perpetua Marine
Garden. Il vit dans l’Oregon depuis une cinquantaine d’années et il est
ignorant de cette merveille de la Nature. Il regarde aussitôt sur Internet et
de magnifiques photos se dévoilent devant nous. Il se souviendra de notre
passage lors de la découverte du Puits de Thor. Nous nous séparons avec une
chaleureuse poignée de main. Je passe aux toilettes avant de sortir et je
découvre une étonnante vasque verte que j’immortalise avec un cliché. Dehors un
écriteau fait un clin d’œil aux élections présidentielles en cours. Une musique
est diffusée sur la terrasse. Les minutes se sont égrenées magiquement sur la
trame du temps et nous reprenons la route US20 le cœur léger pour nous rendre à
l’étape du jour. A la sortie de la ville, nous passons devant le ranch
« Roadkill Ranch ». Nous traversons le « Haut désert de
l'Oregon » qui couvre les parties centrale et orientale de l'état,
notamment le comté de Malheur et le comté de Harney où nous serons ce soir. Le
haut désert fait la partie du « Grand Bassin », une vaste région
aride et montagneuse à dominante semi-désertique, située entre mille cinq et
deux mille cinq cents mètres d’altitude. Le paysage est époustouflant de
beauté ; des monts arides, des montagnes aux roches magnifiquement
sculptées par le temps, des falaises blanches, des sommets pourvus de
murailles, des vallons étoffés de petits arbres épars, des versants escarpés
embellis de sapins, des plaines escarpées peuplées de buissons et de taillis se
dévoilent. La rivière « Malheur » nous escorte sur une partie du
trajet jusqu’à la bourgade de Juntura riche de quelques maisons. Une ancienne
ligne de chemin de fer tente de survivre le long de la route. Quelques entrées
de ranchs se distinguent en chemin. A quinze heures cinquante-deux nous
effectuons un saut d’une heure dans le passé en franchissant la ligne du
temps ; nous entrons à la fois dans le fuseau horaire « Pacific
Time » et dans le comté de Harney. Plus loin, nous passons à côté du
« North Beede Reservoir », un réservoir d’eau douce, et un peu plus
loin encore devant un musée indien, à l’entrée gratuite. Nous atteignons le
village de Burns vers seize heures, soit dix-sept heures à Ontario. La chambre
226 nous est attribuée au motel « Days Inn » sur West Monroe Street.
Nous nous désaltérons dans la chambre. Patrick remarque une scène inouïe dans
la rue visible depuis la fenêtre. Trois biches se baladent et se nourrissent
d’herbe. Une des biches et un chien se regardent quelques instants ;
chacun vaque ensuite à son occupation. Cette scène de vie est un enchantement
pour les yeux. Diverses activités précèdent et succèdent au dîner. Le jour
décline lentement et le ciel bleu s’estompe progressivement pour laisser place
à la nuit…
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