Nous prenons
le petit-déjeuner au Comfort Inn vers huit heures. Un groupe francophone est
présent dans la salle. Il arbore des vêtements où figurent les sigles des
compagnies d’assurances « SMA » et « Macif ». Venu
probablement de Saint-Malo, il fait partie des participants à la transat
anglaise « The Transat Bakerly » dont la trentaine de voiliers a
pris le départ de Plymouth le lundi 2 mai pour une traversée de l’Atlantique
Nord. Les concurrents ont dû affronter les vents dominants, les gelées et les
brumes de l’océan lors de cette course, de façon plus intense que notre propre
traversée sur le QM2. C’est le mardi 10 mai à 18h24, heure de New York, que
François Gabart a franchi la ligne d’arrivée à Brooklyn en emportant la
victoire de l’édition 2016 à bord de son trimaran géant parrainé par la Macif.
Il a mis 8 jours 8 heures et 24 minutes pour parcourir les 4631 miles entre
Plymouth et New York... Le blog s’actualise dans la matinée. Un appel de Ron
évoque les instants passés ensemble hier. J’écris la carte à l’attention de
Ginette. Au travers de la fenêtre, je regarde de temps à autre le ciel
moutonneux parsemé de bleu qui recouvre Red Hook, le secteur de Brooklyn où se
situe le Comfort Inn. Les onze heures s’annoncent en fin d’écriture… Nous
sortons du Comfort Inn pour nous rendre au Whole Foods Market. En chemin, sur
« 4 PL », une cafetière Krups se dévoile de manière insolite au bord
du trottoir ; posée sur le muret d’un jardinet, elle semble attendre que
quelqu’un veuille bien s’occuper d’elle. Plus loin, un oiseau à l’allure fière,
un bellâtre au plastron roux, volète d’un jardinet à l’autre en s'arrêtant régulièrement.
Nous le suivons à la trace pour capturer son apparence sur la pellicule. Sa
pose empruntée sur la photo laisse à penser qu’il a bien voulu obtempérer à
notre désir. Plus loin sur la troisième rue, une photo saisit une scène de vie.
Un grand-père conduit une poussette où gesticule son petit-fils. Le garçonnet
en short, coiffé d’une casquette verte pomme, porte des sandalettes bleues. La
grand-mère en pantalon rouge marche de concert en dépassant un grand matelas,
protégé dans une housse plastique, incliné contre deux troncs d’arbres. En
avançant, nous remarquons sur le trottoir un vélo orange à deux places. Un sac
en papier du Whole Foods Market est sagement rangé dans une sacoche latérale.
Nous croisons régulièrement des personnes venues faire des emplettes dans le
supermarché organic ; la publicité caractéristique sur les contenants en
papier ou en carton se repère aisément. Comme hier nous déjeunons en terrasse.
La chaleur sur la tête est messagère de la saison prochaine. Après le repas, en
sortant du supermarché, à proximité d’une camionnette du magasin qui livre à
domicile, je repère un caddy équipé d’un siège pour nouveau-né.
Etonnant !... Nous prenons à droite pour joindre Union Street. Nous
parcourons cette rue de caractère en flânant environ deux kilomètres. Des
photos sont prises. Une quarantaine de minutes plus tard, nous atteignons la
place « Grand Army Plaza » où se situe l'entrée principale de
Prospect Park. Un arc de triomphe, construit en 1892, trône superbement en
l'honneur des troupes de l'Union, vainqueurs de la Guerre de Sécession. Nous entrons
dans le parc pour une visite. Très vite l’impression de se trouver en forêt en
pleine nature est saisissante. Rien aux alentours n’indique que nous sommes
dans une grande ville. Seuls quelques gratte-ciels émergent de temps à autre de
la ligne d’horizon du parc. Nous tentons de nous diriger du côté du jardin
botanique. Un carrousel se dévoile dans une structure ronde ajourée en briques
rouges dominantes. Des centaines d’ampoules illuminent le manège aux chevaux de
bois et autres figures légendaires qui tourne allègrement pour la joie des
enfants. Plus loin, sur Flatbush Avenue, je suis conquis par la séduisante
maison en bois « Lefferts Historic House », flanquée d’une véranda,
édifiée à la fin du dix-huitième siècle. Contre toute attente en suivant
l’avenue nous parvenons à l’arc de triomphe. Cette boucle nous a offert de
découvrir partiellement le parc Prospect. Sur la place, l’entrée spectaculaire
de la bibliothèque publique éblouit le regard. Nous suivons une passerelle latérale
inclinée pour pénétrer dans le vaste bâtiment flanqué de deux longes ailes où
sont réunis une multitude de livres proposée gratuitement à tout un chacun,
comme le précise une phrase gravée à gauche de l’entrée magistrale. Des livres
en français sont proposés dont une ancienne édition du célèbre « Le chemin
le moins fréquenté » de Scott Peck. Nous emportons quelques brochures
avant de nous diriger vers le jardin botanique. À quinze heures quatorze nous
achetons à une charmante dame deux tickets à douze dollars par personne. Durant
plus de deux heures nous découvrons le jardin. Nous flânons en prenant des
photos. Un oiseau au plumage en nuances de rouge contemple le paysage depuis la
barre supérieure d’une rambarde métallique noire. Le magnifique jardin japonais
se dévoile autour d’un lac au peuple aquatique important : poissons
rouges, tortues de mer et autres vertébrés lacustres inconnus. Ponts ouvragés,
allées empierrées et chemins romantiques sont parcourus. Les oiseaux chantent
avec bonheur dans cette végétation luxuriante agrémentée de cascades et d’ouvrages
en pierre sculptée. Plus avant dans le jardin, un chemin des stars, nées ou résidant
à Brooklyn, est parcouru. Deux noms retiennent l’attention au sol : Walt
Whitman et Barbra Streisand. Une pause au « Terrace Cafe » du jardin
botanique nous offre vers seize heures de se désaltérer. Eau gazeuse et eau
minérale « Purity Organic » au jus de citron bio pressé sont sirotés
au soleil à côté des serres. Nous les visitons après ces instants de détente. L’espace
réservé aux bonzaïs est impressionnant. Un étonnant arbre tortueux « Trident
Maple », offert par la ville de Tokyo en 1961, affiche fièrement ses cent
quarante ans. Dans une autre serre, quelques magnifiques orchidées sont
photographiées. Plus tard, un espace fleuri paré d’une multitude de fleurs bleues
à clochettes, aux nuances de lavande, dévoile sa splendeur. Un superbe cliché montre
une grappe de cette fabuleuse variété de « Bluebell flower ». Plus
loin, nous pénétrons dans une vaste roseraie où la multitude de variétés porte
des noms de célébrités. Les appellations francophones sont nombreuses ; une
rose porte le nom de Charles Aznavour. Colonnades, arceaux fleuris, statues et
autres décorations embellissent la roseraie. Nous nous dirigeons ensuite vers
la sortie à l’angle de Empire Boulevard et de Flatbush avenue dans le dessein
de prendre le métro. Le Rock Garden, aux flamboyantes fleurs de montagne, est
traversé. A la sortie du parc, deux mamans avec leurs poussettes patientent à
nos côtés à un passage piétons. L’une d’elle nous indique l’entrée du métro de
la ligne « Q ». Nous achetons à un distributeur automatique deux
tickets à trois dollars l’unité. Des pièces de un dollar font partie de la
monnaie rendue. Nous passons les tourniquets métalliques à dix-sept heures
quarante. Le métro construit voici plus d’un siècle est vétuste et inadapté
pour les personnes avec handicap. La signalisation est sommaire et l’attention
est requise pour monter dans le bon wagon. Après un changement à la station « Jay
Street – Metro Tech », une rame de la ligne « F » nous dépose à
Carroll street. La sortie est proche des deux cafés fréquentés les deux jours
précédents. Nous marchons tranquillement vers notre hôtel. A la sortie de la
passerelle aérienne enjambant le conséquent complexe trafic routier, une jeune
femme blonde nous adresse la parole. Bien qu’habitant à Brooklyn, elle est
perdue ; la batterie
de son téléphone portable est épuisée. Elle se rend à l’école de musique « Jalopy
Theatre & School of Music » et la direction à prendre est incertaine.
Nous lui proposons de nous accompagner au Comfort Inn pour faire imprimer un
plan à l’accueil. Après une brève hésitation, elle nous suit. Nous papotons en
chemin. Le français de cette musicienne qui apprend à jouer de la mandoline est
impeccable. Une partie de sa famille vit à Paris. Notre arrivée en bateau à
Brooklyn lui paraît féérique. A la réception, le téléphone portable de la belle
inconnue est mis en charge, le plan est imprimé. Elle se détend sur un
cabriolet avant de reprendre son chemin. Je lui annonce avant son départ que,
si un jour elle donne un récital sur un navire où nous sommes à bord, je m’approcherai
pour évoquer notre rencontre fortuite. Elle se met à rire et nous remercie
chaleureusement pour notre aide. Les dix-neuf heures approchent. Nous dînons
dans la chambre. La soirée se déroule agréablement entre lecture et écriture…
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