Nous sommes
réveillés à six heures par un orage qui éclate brusquement. L’impact sonore des
trombes d’eau sur le wagon vient s’ajouter au bruit de fond du train. Nous
sommes servis par Donald lors du petit-déjeuner dans le wagon restaurant. Les
tablettes de beurre portent le nom de la localité de « Detroit
Lakes » traversée durant la nuit. La suite de la matinée se passe dans la
cabine. Avant de traverser la bourgade de « Red Wing » dans le Minnesota,
le convoi bringuebalant salue d’un coup de sirène le pénitencier de
Sainte-Croix au bord de la rivière Mississipi. Nous allons suivre le fleuve sur
une partie du trajet. Les neuf heures ont sonné quand le convoi dépasse l’imposant
hôtel en briques St-James, aux encadrements de fenêtres blancs, qui se
distingue par sa prestance aux bords des voies à « Red Wing ». A dix
heures trente le village de Winona est traversé ; Patrick pense à l’arme
de John Crichton de la série de science-fiction Farscape qui porte le même nom.
Le village s’avère être plutôt une ville avec un terrain de baseball et une
université. Le stationnement à Winona se prolonge et Patrick remarque la
présence d’un couple qui fume fidèlement à chaque arrêt. Lors du déjeuner nous
bavardons avec le couple présent à la table. Sylvia et John résident dans la
périphérie de Seattle à environ vingt miles du centre. Le couple se rend au
mariage de la fille d’un ami qui habite à quelques trois heures en car de
Chicago. John, au visage des pays de la Baltique, est déjà allé en
Europe ; il a visité de la famille en Norvège. Après le repas nous
retournons à la cabine. Les minutes s’égrènent sur la trame du temps alors que
nous regardons défiler le paysage. La ville de Milwaukee dans le Wisconsin,
traversée une quinzaine de minutes avant quinze heures, laisse dépasser dans sa
skyline deux tourelles aux toitures vert clair qui offrent au regard, l’une la
température et l’autre l’heure de la journée. Environ une heure plus tard,
c’est la ville de Glenview dans l’Illinois qui est traversée à son tour. Ces
deux localités sont les deux dernières étapes du train avant l’arrivée à
destination à Chicago. Entre ces deux dernières stations, Patrick photographie
des lignes téléphoniques portées par des poteaux en bois où les isolateurs,
dépolis par les vents, sont en porcelaine et en verre, comme au début du siècle
passé. Ces isolateurs doivent être d’une qualité exceptionnelle pour avoir
traversé le temps et les intempéries sans dommage. Aux Etats-Unis la
maintenance intervient uniquement quand c’est nécessaire ; ainsi on peut
trouver ces lignes du temps jadis. Lors d’un précédent voyage au pays de
l’oncle Sam, nous avons découvert à un carrefour d’anciens feux de signalisation
avec les panonceaux alternatifs « stop » et « Go »… Le
voyage en train se termine. Nous avons traversé en tout six états :
Washington, Montana, Dakota du Nord, Minnesota, Wisconsin et Illinois. Le
Montana, le plus long, est très peu peuplé avec environ un million d’habitants.
Un peu plus de sept cents mille habitants résident dans le Dakota du Nord. L’état
du Minnesota est peuplé par plus de cinq millions d’âmes alors que le Winconsin
le dépasse de plus d’un million de personnes. De belles villas se sont
dévoilées dans le Wisconsin au bord de la voie de chemin de fer. La palme
revient à l’Illinois avec treize millions d’habitants. Chicago, la troisième
agglomération des États-Unis, concentre à elle seule plus du cinquième de la
population totale de l'état… Le train entre en gare de Chicago « Union
Station » vers seize heures trente avec environ une demi-heure de retard,
ce qui est tout à fait normal au regard notamment des arrêts pour les fumeurs.
Lors d’un précédent voyage en train de New York à Chicago, le convoi avait eu quatre
heures de retard… Depuis Seattle, le train a roulé sur 2205 miles , soit
quelques 3550
kilomètres en approximativement quarante-huit heures.
Nous sortons de l’immense gare pour suivre à pieds Jackson Boulevard en direction
du lac Michigan. Nous bifurquons ensuite dans l’avenue du même nom. La
température est élevée… Bianca, originaire de Mexico, nous accueille vers
dix-sept heures quinze au « Congress Plaza Hotel » situé au numéro
520. Elle nous attribue la chambre 1111 au onzième étage avec vue sur le lac
Michigan. Nous nous installons et nous sortons de l’hôtel pour aller effectuer
quelques courses pour le dîner et les petits déjeuners à venir. En chemin nous
nous arrêtons dans un Starbucks sur l’avenue Michigan. Patrick sirote un café
Mocha tout en marchant. Jared nous accueille à dix-huit heures trente à la
caisse au magasin Trader Joe’s sur Wabash avenue. En revenant à l’hôtel, nous
suivons l’avenue Wabash ; au niveau de la structure étendue du collège
Columbia, des fresques sont prises en photo, probablement réalisées par des
étudiants, la section des arts étant présente dans l’un des bâtiments. Nous
dînons dans le confort de la chambre. Ecriture et lecture agrémentent le
déroulement de la soirée. Patrick sort prendre des photos. Un peu avant vingt-et-une
heures trente des trombes d’eau s’abattent sur Chicago. Aux premières loges,
nous assistons au spectacle pyrographique offert par la Nature. Des éclairs de
chaleur illuminent la noirceur du ciel, des pétarades de tonnerre se font
entendre ; le Dieu nordique Thor doit taper du poing. Au sol, des vagues
de pluie déferlent et glissent sur le macadam des rues comme des vagues sur une
plage chahutée par des bourrasques de vent. La force des éléments assombrit le
ciel et la vision lointaine s’obscurcit pour presque disparaître. Après deux nuits
de tangage et de balancement ferroviaires, dans une couchette étroite, nous apprécions
d’entrer au pays des rêves dans le lit « King Bed », le très grand
lit de la chambre…
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